« Retrouver l’Esprit de la Tribu »

  • Tribune publiée dans la cadre du Dossier "Logement : Espacer et Rassembler",
    réalisé par Emmanuel Caille.
    D'A n°220
    Septembre 2013

    Texte de Jean-Patrice Calori, Bita Azimi & Marc Botineau

Si l’on doit se prendre aujourd’hui pour autre chose que des architectes, on pourrait proposer deux types de mesures :

1. Une mesure sociétale en trois volets :
– Diminuer, voir supprimer, la production d’immeubles de logements sociaux en proposant une alternative simple et bon marché !
Faire de chaque propriétaire privé un bailleur social en puissance : s’il est propriétaire d’un logement, s’il le loue à un demandeur de logement social, il reçoit une aide de l’État, des garanties de paiement des loyers et un bon avantage fiscal. Dès lors, on augmente l’offre, chaque bénéficiaire de logement social peut se retrouver dans un immeuble de rapport, un résidence bourgeoise et ainsi la mixité est favorisée en douceur, évitant l’idée même d’un immeuble social.
– Retrouver l’esprit de la tribu (ou du vivre ensemble), qui s’installe collectivement, qui choisit le lieu où elle va créer les fondements d’une vie individuelle et commune à la fois.
Favoriser-encourager-aider le système de coopératives (dynamisme, entraide, émulation collective, aventure humaine…) : les participants sont alors à la fois des sociétaires (actionnaires) et des locataires de la coopérative. Les espaces collectifs qui peuvent appartenir au projet sont imaginés dans le cadre collectif et donc totalement fondés.
– Permettre aux bailleurs sociaux de faire du logement privé !
Aujourd’hui, ce sont les promoteurs qui insèrent du logement aidé dans les programmes privés. Le résultat est que le logement social devient aussi générique que le logement privé, mais juste encore un peu moins bien (prestations). Donc, partant du constat que le logement social est à ce jour plus spécifique, plus audacieux, plus exploratoire que le logement privé, pourquoi ne pas y intégrer du logement privé (au prix de locations ou ventes dérégulées) pour enrichir l’opération, créer de la mixité, faire profiter les logements privés du travail exploratoire et spécifique d’un architecte?

2. Une mesure réglementaire pour “dénormer” le logement social :

– Déverrouiller les règles urbaines.
Comme souvent pour les équipements, la parcelle où sera édifié un programme social peut échapper aux règles du POS ou du PLU : elle bénéficie d’une déréglementation en termes d’urbanisme (COS, gabarits, retraits…), assouplissant ainsi les modes de conception pour permettre des espaces communs et distributifs plus généreux dans un rapport SP/SU plus souple et porteur de lieux collectifs partagés.
– Aller vers le spécifique.
Pour stopper le générique, il faut chercher le spécifique : est-il logique et architecturalement normal que le T3 de Lille soit semblable au T3 de Toulouse ou de Lyon ? “La culture local, la tradition, le vernaculaire, le climat sont les mamelles d’une HQE bien balencée…” A Cannes La Bocca, nous avons essayé s’imaginer un immeuble HQE du Sud, sans double flux et sans isolation par l’extérieur. Cette recherche nous a conduits à généraliser des T2 traversants accessibles par de larges coursives en plein air comme des trottoirs surélevés…
– Centre et périphérie, pas la même limonade…
Puisque le prix du foncier est un critère important, on pourrait permettre l’augmentation des surfaces appartements à mesure que l’on s’éloigne des centres urbains et des zones attractives pour offrir des typologies de logement plus qualitatives, se posant comme une alternative à l’étalement pavillonnaire, et qui pourraient être une tentative de rééquilibrage de la densification du territoire.

Jean-Patrice Calori, Bita Azimi, Marc Botineau